Mes Aïeux...

Extrait du chapitre IV de

« Mes aïeux aux visages oubliés »


Elle dormait aux côtés de son homme, lorsqu’elle perçut quelques coups frappés à la porte d’entrée. Elle se redressa sur son séant et entendit distinctement frapper de nouveau. Elle n’osa réveiller son mari qui ronflait à ses côtés et se glissa sans bruit en dehors du lit. À tâtons, elle traversa la grande salle, s’attarda un instant auprès de ses enfants endormis, cherchant malgré elle les trois visages qui n’étaient plus. La chandelle de suif qu’elle avait pris soin d’allumer, lançait des reflets jaunâtres tout autour de la pièce et la braise rougeoyait sous la cendre grise de l’âtre. Elle leva le loquet de la porte et l’ouvrit.
Ce qu’elle découvrit la cloua sur place : un enfant exposé à sa porte ! ses yeux fouillèrent l’obscurité, mais ne virent pas la femme dissimulée derrière le muret. Couché sur un petit oreiller, les menottes dressées, le bébé paraissait dormir. Elle se baissa, prit le tout dans ses bras pour le déposer sur la table. Le nourrisson s’agitait mais ne pleurait pas. Elle entreprit tout doucement de le dévêtir. Sa tête était recouverte de trois bonnets d’indienne bleue, elle dégagea les petites oreilles et caressa le fin duvet brun qui courait sur son crâne et effleura du bout des doigts la fontanelle qui vibrait doucement en battements réguliers.
Elle saisit une menotte qui s’accrocha à son doigt et commença à retirer une brassière de coton bleu, elle en dégagea une seconde en coton elle aussi, puis une troisième tissée de chanvre usager et doux. Les deux petits bras nus battaient l’air à présent. Elle dégagea la première couche, puis la deuxième et là encore, une troisième couche cachait le sexe de l’enfant. C’était un garçon. elle remarqua alors un petit papier glissé entre les deux brassières. Mais Perrine ne savait pas lire et elle plaça le billet près du pot à sel. Elle prit l’enfant nu contre son buste, dégagea son sein droit et offrit le téton au bébé qui commença à exercer quelques petites succions et miracle !… le lait qui gorgeait sa poitrine depuis le décès de la petite Anne, se mit à couler en source généreuse, entre les lèvres entrouvertes. Bientôt rassasié, le nouveau-né ferma ses paupières et laissa glisser sa tête contre le sein nu de Perrine.
En brave paysanne du Baugeois qu’elle était, Perrine, au visage déjà fané malgré son jeune âge, savait se montrer douce et tendre avec ses enfants qu’elle avait nourri de son lait. Dans son cœur simple, elle sentait bien que ce petit être, placé sur le seuil de sa maison par la providence, l’aiderait à dissiper son chagrin.

Elle se leva, l’enfant toujours abandonné contre elle, puis elle le déposa avec délicatesse dans le petit berceau resté vide. Elle prépara l’eau tiède, la couche de chanvre doux, le molleton de coton. elle y ajouta une brassière et un bonnet que portait le bébé déposé à sa porte. Soigneusement, elle plia et rangea ses autres vêtements dans un morceau de droguet propre, n’oublia pas d’y déposer le petit billet à l’écriture irrégulière, plia l’ensemble et rangea le tout dans le coffre de bois. Puis, elle alla chercher le marmot, entreprit de le laver et de le vêtir. il s’éveilla, agita ses petites mains et laissa de nouveau tomber ses paupières. Perrine le recoucha dans la nacelle, remonta l’édredon sous ses aisselles et se décida à aller chercher son époux.

La suite est à découvrir dans le livre...

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