Au Temps où Belfort était un comté


 
 Roman historique de 185 pages, "Au temps où Belfort était un comté" fait suite à la période autrichienne relatée dans "La Roche de Belfort". Si les recherches effectuées sur les squelettes retrouvés sous les pavés de la place d'Armes apportent une réponse succincte aux diverses interrogations, l'intérêt du livre est ailleurs...
 
Construit de manière différente de l'ouvrage précédent, ce roman historique commence par une longue lettre écrite par la narratrice à ses frères et sœur qui vivent depuis des années, éloignés de la cité belfortaine.
La découverte que Pétronille-Hortense vient de faire aux archives de la ville, l'incitera à leur raconter l'histoire des ducs et duchesses de Mazarin qui furent les seigneurs de Belfort de 1661 à la Révolution à une époque où s'édifia la ville-nouvelle blottie entre ses remparts fermés par deux colossales portes, selon des plans tracés par Vauban. L'histoire de la ville, de ses bourgeois, marchands et artisans s'égrène ainsi au fil du temps sous les gouvernements successifs d'Armand-Charles de la Meilleraye duc de Mazarin, de son fils Paul-Jules, de Guy-Paul-Jules, puis Louise-Jeanne Dame de Belfort pour finir par Louise d'Aumont Princesse de Monaco, à une époque où Louis XIV, Louis XV et Louis XVI furent rois de France. 

Tout en contant l'histoire romancée du couvent des capucins, la narratrice terminera son récit comme elle l'a commencé, par une longue lettre adressée à ses frères et sœur. 


La couverture du livre réalisée par Monsieur François Bernardin, auteur de BD pour La Vôge et d'affiches pour sa ville d'Exincourt, nous montre une place d'Armes sans doute assez conforme à ce qu'elle pouvait être à la fin du XVIIIe siècle avec son église St Christophe à une tour, son canal des moulins qui passait sous le perron et qui était bordé de tilleuls dans son parcours à ciel ouvert. Des personnages d'un autre siècle animent la place et le lion n'était pas encore venu se lover entre les rochers, au pied du château.

 
 Extrait du chapitre 1, intitulé "Lettre 1"

M'éloignant du bourg médiéval et de la ville neuve, je marchai à travers champs et prés. Au loin devant moi, sur la rive droite de la Savoureuse, au-delà du petit pont de pierre qui l'enjambait, j'aperçus quelques bâtiments d'où émergeait un clocheton. M'approchant davantage, je fis bientôt face à plusieurs bâtisses construites de pierres et de bois et qui s'ordonnaient autour d'un cloître. Avançant discrètement, je pénétrai dans l'église St Jean-Baptiste qui présentait un choeur orné de cinq tableaux et un maître-autel entouré de boiseries et de grilles, un grand crucifix de bois, une chapelle à la vierge et cinq confessionnaux.
Dans le silence et le clair-obscur qui baignaient les lieux, je distinguai une ombre qui semblait glisser sur les dalles en un bruissement léger, semblable à celui que ferait un oiseau de proie qui défroisse ses ailes avant de prendre son envol. Attentive au moindre bruit, je m'arrêtai pour écouter et scruter la pénombre, croyant bien reconnaître-là, mon inconnu au chapeau qui visiblement, était lui aussi, à la recherche d'événements passés. Nous nous croisâmes au détour d'un pilier et nous nous saluâmes dans l'imminence d'un dialogue, quand soudain, appelant les moines à la prière, la cloche qui se mit brusquement à tinter, me fit m'esquiver prestement et perdre l'homme de vue.
Toujours aussi intriguée et avide de découvertes, j'allai m'asseoir sur la margelle du puits qui se dressait au centre de la cour du cloître. De là, je pus contempler à loisir le corps de logis composé de plusieurs maisons dont le premier étage et le grenier mansardé s'élevaient au-dessus d'un rez-de-chaussée. Dissimulée par la végétation, j'observai les moines capucins qui sortaient de l'office et me laissai aller à imaginer leur vie.
                                                                                 §
 
Immergée en plein XVIIe siècle, grâce à cette atmosphère magique qui se crée autour de moi lorsque je me passionne pour des faits historiques, je n'entendis ni ne vis la personne qui prit place à mes côtés sur le rebord du puits, quand soudain, une voix que je reconnus pourtant, me fit légèrement tressaillir.
- Alors Mademoiselle, tout comme moi, vous êtes captivée par l'histoire du couvent des capucins, n'est-ce-pas ?
Je ne répondis pas, mais tournai légèrement la tête et allai m'abîmer dans le regard énigmatique de deux yeux d'un bleu intense, tout en écoutant l'inconnu qui poursuivait :
- Portant la barbe et la tonsure, vêtus de robes de bure, marchant pieds nus hiver comme été, quêtant, prêchant, célébrant les offices et apportant leurs soins aux malades et aux blessés, les moines parcouraient inlassablement les rues de la cité et sillonnaient la campagne environnante....
 Voyant les capucins se disperser pour aller vaquer à leurs occupations, d'un pas rapide je m'éloignai du côté du jardin des simples, là où poussaient les herbes comestibles et les plantes médicinales. Pressée de m'échapper avant l'arrivée des frères jardiniers, je traversai prestement le potager et le verger et me dirigeai vers le mur de clôture. Poussant le portail de bois qui grinça sur ses gonds, je m'éloignai du couvent enveloppé de silence et isolé des tentations du monde.
Mon étonnante « rencontre » m'avait suivie ! Incrédule et toujours fascinée par le regard envoûtant, je l'écoutai me parler et répondis à ses questions.
- Savez-vous Mademoiselle que les moines capucins exercèrent leur ministère spirituel sur le sol belfortain durant les 172 années que dura leur présence en ces lieux ? Leur couvent édifié en 1619 par la volonté de l'archiduc Léopold d'Autriche, évêque laïc de Strasbourg et sous la houlette des magistrats du Belfort d'alors, occupait l'emplacement où avait été érigée, en des temps plus reculés encore, l'ancienne maladrerie où logeaient les lépreux de la cité.
- Oui je sais cela, répondis-je, alors que je flottais toujours dans cet insolite état d'inconscience. Les ladres avaient le teint blafard et cireux, les yeux rouges et purulents, leur démarche était lente et leurs enfants étaient laids et maigres comme des rats écorchés.... Il leur était défendu d'approcher les habitants et d'entrer dans l'église St Denis, mais le chanoine laissait la porte ouverte pour qu'ils puissent écouter la messe et le regarder officier devant l'autel. Lorsqu'ils venaient mendier en ville, les lépreux agitaient leur clochette ou leur crécelle pour annoncer leur arrivée.
 - Ce que vous énoncez-là est exact Mademoiselle, répliqua le curieux  personnage, mais depuis que Dieu les a délivrés d'une aussi terrible maladie, les terres et autres biens qui appartenaient aux léproseries, furent donnés aux hôpitaux et aux religieux.
- Savez-vous comment s'est déroulée la donation ? risquai-je d'une voix à peine audible.........


La suite est à découvrir dans le livre...





Est Républicain Belfort avril 2016



Séance de dédicaces du 14/05/2016 à Auchan Bessoncourt avec M. François Bernardin illustrateur de la couverture du livre
 

1 commentaire :

  1. Merci Josianne pour ces instants d’évasion vers un passé qui nous concerne puisque tu as fait revivre le temps d’une lecture, ces personnes qui ont contribué à la construction de notre cher Belfort. Ces femmes et ces hommes, qu’ils soient ducs, duchesses, bourgeois, soldats, commerçants, … tu sais si bien nous conter leur vie, que l’on a aucun mal à les imaginer parcourant ces vieilles rues belfortaines. Bravo pour ce travail de recherche sur notre Cité et sur son appartenance passée à la descendance du Cardinal Mazarin. Mon attachement à Belfort provient surement de mes premières années qui se sont écoulées dans cette "Vieille Ville" et j’ai découvert au court de ma lecture quelques périodes importantes qui l’ont façonnée. Merci encore Josianne pour ton intéressement à l’histoire et au partage de tes connaissances. Michel

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